Paris Vox – Chronique littéraire, en partenariat avec la revue littéraire non-conforme “Livr’arbitres” et” Radio Libertés”.
Nous sortons tout juste de la fameuse « rentrée littéraire », vous savez ce grand barnum médiatico-littéraire qui aboutit à la remise de « prix » à quelques auteurs bien en cours, bien politiquement corrects et bénéficiant d’efficaces relais dans la nomenklature germano-pratine. Après le déversement de plus de 650 nouveaux romans sur les étals des librairies, que bien entendu aucun critique ne peut lire en totalité, ce qui laisse la place au copinage et au renvoi d’ascenseur, on peut donc un peu respirer et s’extraire des combines et stratégies des couloirs des maisons d’édition, nous pouvons en revenir à la littérature. Ouf, il était temps. Parlons donc de littérature et parlons donc d’Olivier Maulin.
Olivier Maulin est un auteur dont on a déjà parlé sur Radio libertés et TV libertés mais qui mérite que l’on se penche à nouveau sur lui tant sa prose solaire et rayonnante est une merveilleuse incongruité dans le paysage éditorial contemporain, nombriliste, petit-bourgeois et dépressif.
Loin de ces eaux stagnantes, sombres et tiédasses, il faut incontestablement une forme de « génie » pour parvenir à faire rire – parfois aux éclats – en littérature. Olivier Maulin possède indéniablement celle-ci. Il l’a déjà prouvé dans ses précédents ouvrages et récidive brillamment avec son nouvel opus, « La fête est finie », nouvelle saga bouffonne et poétique au cœur de son Alsace natale. On retrouve ici tous les codes, les archétypes et les chevaux de bataille – pour ne pas dire les obsessions – de l’auteur qui, pour autant, parvient à ne pas se répéter et à ravir le lecteur, même habitué de sa prose, de la première à la dernière ligne. C’est que Maulin a réussi à créer un genre à lui tout seul : la farce écolo-déjantée. Une nouvelle fois, l’écrivain rabelaisien nous narre donc les aventures épiques et tragi-comiques d’une joyeuse bande de bras-cassés, déclassés et mal-foutus, partant en guerre contre la modernité et ses abominations. Révolte contre le monde moderne chez les chômeurs en fins de droit et les paysans alcooliques ! Au cœur de cet improbable combat, on croisera un nain Grand d’Espagne, une pianiste bossue, un colosse idiot amoureux de Bach, un cerf dépressif, une jolie et peu farouche sauvageonne, et d’autres personnages hauts en couleurs unis par leur attachement commun à la nature, à leur terre et leurs traditions, au « monde d’avant » et à sa magie, ainsi que – il est vrai – par leur goût « non modéré » pour les boissons à haute concentration éthylique. Car Maulin n’aime pas l’époque telle qu’elle va, son imposition technologique, son tourisme zombifié, son bétonnage, son hygiénisme, ses « winners » bien peignés, une calculette à la place du cœur et un bilan comptable dans le cerveau… Maulin est du côté de ceux qui ont fait un pas de côté, refusant la fuite en avant consuméro-productiviste, l’urbanisme concentrationnaire et l’esclavage salarié, les laissés pour compte de la croissance, les réfractaires au matérialisme et à la course à l’apparence… Il est du côté des poètes, des fous et des petits oiseaux, orphelin d’un monde ou les forêts abritaient des lutins et où les fées se baignaient dans les sources sacrées. Il y a incontestablement du Vincenot chez Maulin, mais un Vincenot qui aurait croisé Frédéric Dard.
En ces temps sombres et accablants, entre menaces et tragédies presque quotidiennes, la lecture de « la fête est finie » est une parenthèse enchantée. Elle nous ouvre les portes d’un monde fantasque, joyeux, bancal et solidaire auquel on veut croire et qu’on souhaiterait ne plus quitter.
« La fête est finie », Oliver Maulin, Editions Denoël, 240 pages, 18,90 euros.
Bonne lecture !
Xavier Eman