Paris Vox – Dorénavant, Paris Vox publiera régulièrement la retranscription écrite de la chronique de commentaire d’actualité d’Arnaud de Robert diffusée dans la Matinale de Radio Libertés. Aujourd’hui: retour sur l’Euro de foot et l’aventure islandaise.
Une fois n’est pas coutume, je vais déroger à mes habitudes et parler football. Ce sera d’ailleurs la première et probablement la dernière fois dans cette chronique, tant je reste absolument hermétique à ce sport, son environnement et ses valeurs. Bref, vous l’aurez compris, ce n’est pas demain la veille que vous me trouverez dans un stade ou devant une télé à regarder du ballon rond. Et du ballon rond, il y en a en ce moment, jusqu’à l’overdose d’ailleurs. Tout particulièrement hier soir ou ma rue n’a pas été épargnée par les coups de klaxons effrénés et les beuglantes de satisfaction d’usage. Heureusement qu’il ne fait pas beau, cela ne dure pas. Bref, je voulais revenir sur le match d’hier soir dimanche, que ne n’ai bien entendu pas vu, mais dont il m’aurait été très difficile – fenêtre ouverte – de ne pas connaitre le résultat. Parce qu’hier soir, c’était tout de même un peu plus que du football. Les vikings islandais ont perdu et leur belle aventure s’arrête. Ils ont perdu contre l’équipe de … comment dire … vous savez le truc là ! Black, blanc, beur ? Non mince ça c’était avant. Oui alors black, black et un petit peu blanc, là ça colle, et un maillot bleu à galinacé doré.
A l’instar de l’Irlande, de l’Irlande du Nord ou du Pays de Galle, l’Islande présente un visage très différent du football, celui d’un sport populaire au bon sens du terme, encore très peu pollué par l’argent et le star system.
Donc nos vikings islandais terminent leur Euro 2016 sur de bons résultats. L’Islande est décidément surprenante. A renoncé seule à sa candidature à l’UE, qui se fiche des sacrosaints équilibres budgétaires, qui présente une économie florissante et met ses banquiers en prison. L’Islande, tout petit pays de 330 000 habitants (l’agglomération rouennaise à titre l’exemple), qui n’a que 100 joueurs professionnels et dont la jeunesse il y a encore quinze ans baignait dans l’ennui, l’alcool et les drogues a su profiter en quelque sorte de la grave crise économique et financière pour rebâtir un système éducatif sportif fondé sur le volontariat, l’émulation et des investissements étatiques patents. Travail intelligent et acharné qui débouche aujourd’hui sur un quart de finale pour une première participation, chapeau ! A l’instar de l’Irlande, de l’Irlande du Nord ou du Pays de Galle, l’Islande présente un visage très différent du football, celui d’un sport populaire au bon sens du terme, encore très peu pollué par l’argent et le star system. C’est finalement moins le football en lui-même que sa capacité à catalyser l’expression identitaire et la fierté d’un peuple qui s’exprime à travers l’aventure islandaise. Et les journalistes ne s’y sont pas trompés qui les ont tout de suite surnommés les vikings. Magnifiques représentants du sang des navigateurs téméraires, les joueurs de l’équipe nationale ont enflammé bien plus que leurs compatriotes. Ils ont fait vibré tous ceux qui, fans de foot ou pas maintiennent cette exigence de fond et de forme, dans lequel le sport ne peut et ne doit être que l’émanation, l’incarnation et l’affirmation du génie d’un peuple, sa grande santé joyeuse et offensive. Pour tous ceux-là, l’Islande a fait palpiter l’intelligence et les qualités de don, d’abnégation, d’humilité et de générosité de l’homme européen. Il faut les en remercier. Pour tous les autres, les excités du klaxon, les choristes avinés de la beuglante nocturne, servants aveugles, volontaires et béats d’une équipe sans âmes de tirailleurs millionnaires ; pour tous ces consommateurs de sensation, le spectacle continu. Mais cela n’est déjà plus du sport, à peine du foot. Opium métissé d’un patriotisme de comptoir, ce sport-là n’est plus un jeu mais un enjeu technique, financier et égotique. Exit donc l’Islande et fini aussi l’Europe dans cette compétition puisque toutes les équipes restantes présentent des visages bariolés et conformes à l’image du « vivre ensemble ». Peu importe car ce soir sur une petite ile de l’Atlantique Nord tout un peuple fête avec fierté le retour de ses héros. Et que cette joie brute, simple et entière perdure en Europe en ce début de 21e siècle, c’est déjà formidable !