Paris Vox (Tribune) – Chaque semaine, en partenariat avec Radio Libertés, nous publions la retranscription écrite de la chronique d’actualité et d’analyse d’Arnaud De Robert. Aujourd’hui, il revient sur le fantasme du “rassemblement” qui hante la droite française.
Vauquiez voudrait bien mais les cadres de LR n’en veulent pas. Marine ne veut pas partir mais tout le monde aimerait bien que ça change. Tout le monde veut Marion mais Marion ne veut pas. Dupont-Aignan le souhaite ardemment mais hors de question de se brûler une seconde fois. Poisson pourrait le faire, mais il manque de dimension. Bref, tout le monde en rêve, mais tout le monde veut rassembler sous son étiquette. Des alliances oui, mais avec moi, derrière moi. Chacun dans son couloir, chacun veut être le leader, chacun pense à 2022. Alors on change les têtes, les organigrammes et les noms des partis, on prétend rénover, refonder, ouvrir, élargir mais sans jamais rien trouver d’original, rien de surprenant ni d’entrainant. A ce stade, la recomposition de la droite s’apparente bien plus à une décomposition sur fond de guerre des égos. Mal à droite cette droite, gauche dans ses relations de famille, incapable de penser sans en appeler au conservatisme libéral américain. Elle a beau tenter de se rajeunir elle fait vieille cette droite. Elle présente de vieux appareils, des fonctionnements fatigués, des discours usés, biaisés, semi-honteux. Elle veut rassembler tout le monde en ressemblant à tout le monde. Elle se fantasme victorieuse mais reste impuissante à se manifester, à se verticaliser. Et pour cause ! La capacité à gouverner ne peut pas naitre d’un nouveau nom, d’un slogan sympa ou du jeunisme.
A ce stade, la recomposition de la droite s’apparente bien plus à une décomposition sur fond de guerre des égos.
La capacité de conquête, de construction et de gouvernance se fonde sur la formation, la formation de noyaux-cadres déterminés, sur une infrastructure professionnalisée et surtout sur une doctrine claire, juste, fondée sur des principes intangibles. Pour que cette doctrine émerge, encore faut-il que la droite sorte de son hémiplégie et retrouve sa droiture. Car être de droite n’a rien à voir avec la géographie d’un hémicycle. Et la droiture n’est pas une simple valeur, elle relève du principe intransigeant de la droite voie, celle qui exige que la distance, la réflexion et la stratégie de long terme l’emportent sur le désir faussement urgent de réformes et d’adaptation. En ces temps d’interminable transition entre un hier stigmatisé, un présent terrorisant et un demain toujours plus lointain, les gens ont besoin de repères, de sens. L’authenticité du sentiment dépend de la clarté de l’idée rappelle Gomez Davila. Une droite authentique doit donc poser devant les français un corpus clair, ontologiquement oppositionnel. Enfin, elle le devrait parce qu’aujourd’hui on peut décemment se poser la question de fond, à savoir son aptitude à générer quoi que ce soit qui dépasse la communication ad intra. Pourtant les exemples ne manquent pas si l’on songe au groupe de Visegrad. Mais, horizontalisée, déspiritualisée, ringarde ou aphone, la droite française est aujourd’hui déplacée, décalée. Cette désincarnation elle le doit à elle seule et à sa délétère entreprise de divorce avec la tradition, incapable de comprendre justement que l’on ne peut engendrer de l’originalité qu’adossé à la continuité de la tradition. C’est hélas ce qu’a fort bien compris l’oligarchie. C’est aussi ce qu’elle a longuement préparé pour l’élection d’Emmanuel Macron. En un savant mélange d’idée de changement et de permanence française, elle a réussi à inverser la formule de la composition chimique de la droite pour la fluidifier. La stratégie actuelle d’enchainement des réformes en est la preuve. La droite liquide est en marche, elle est au pouvoir et elle est sacrément efficace. De fait, la droite politique est face à une tache extrêmement difficile, elle joue sa survie. Saura-t-elle s’en sortir ? En l’état actuel des choses, permettez-moi d’émettre quelques doutes. D’autant que partout en Europe naissent des forces politiques nouvelles. Dont certaines savent allier tradition et modernité. Alors, plutôt qu’un rassemblement ou une refondation, pourquoi pas un renouveau ? Bonne semaine.