Mêmes pas drôles…

Mêmes pas drôles…

Paris Vox (Tribune) – Chaque semaine, en partenariat avec Radio Libertés, nous publions la retranscription écrite de la chronique d’actualité et d’analyse d’Arnaud De Robert. Aujourd’hui, il se penche sur la morne “dépersonnalisation” du gouvernement Macron…


L’autre jour j’écoutais d’une oreille distraite le supposé humoriste Stéphane Guillon dérouler sa vie à la radio. Je dis bien d’une oreille distraite tant il vrai que j’accorde peu d’attention à ces plumitifs – humoristes prétendus ou journalistes pères la morale – qui sont à la révolte des idées ce que le Canada Dry est à la bière. Faux révolutionnaires, faux trublions, à l’humour plat et à la vindicte fanfaronne, mais vraies carpettes du Système. Je pense ici à Yves Calvi, Jean-Jacques Bourdin, Madénian, Dany Boon … et tout un tas d’autres dont Stéphane Guillon qui en est la parfaite illustration, lui qui émargeait à 10 000 euros par semaine à la télé pour se payer les électeurs du FN ou salir la mémoire de la mère de Dupont-Aignan.

Mais mon attention a tout de même été captée par la question adroite du journaliste de France-Info qui menait l’entretien. Celle-ci portait sur la « matière » qui fait l’activité de monsieur Guillon à savoir la satire politique. Le journaliste relevait notamment la difficulté pour tout le monde de citer un des membres du gouvernement Macron exception faite du premier ministre, de Hulot ou des transfuges souvent septuagénaires déjà connus avant. Et Stéphane Guillon a effectivement reconnu que la génération actuelle des dirigeants politiques, les fameux « remplacistes », constituait un vrai cauchemar pour sa corporation. Orphelins inquiets après le départ de Chirac, les humoristes avaient découvert avec joie Sarkozy et s’étaient rassurés avec Hollande avant de se délecter de son quinquennat crépusculaire. Mais avec Macron c’est la disette, la vraie, la dure famine évènementielle. En cause selon Guillon la formidable machinerie communicationnelle de l’équipe présidentielle et gouvernementale, véritable Mur de l’Atlantique médiatique. Et je lui donne en partie raison. Cette génération sait armer sa communication, en contrôler les effets et les buts. Mais ce n’est pas tout, car une bonne communication ne suffit pas à expliquer l’éclipse de caractères, le lissage humain que nous offre la période. Certes, la communication efface l’être au profit de l’image. Mais je crois qu’il y a aussi dans tout cela, voire même principalement, une cause anthropologique, je dirais même biologique. Cette nouvelle génération qui n’a de politique que le nom est d’une sorte, d’une espèce différente.

Oui cette dépersonnalisation de l’élite est à mes yeux substantielle et toute Saint-Simonienne. Elle incarne en effet la fameuse maxime du philosophe « substituer au gouvernement des hommes l’administration des choses ».

Oui cette dépersonnalisation de l’élite est à mes yeux substantielle et toute Saint-Simonienne. Elle incarne en effet la fameuse maxime du philosophe « substituer au gouvernement des hommes l’administration des choses ». Et si tant de monde a du mal à nommer ces gens, si personne ou presque ne les connait c’est parce qu’ils ne cherchent pas à l’être, parce que leur notoriété, leur renommée n’est pas fondée sur le système médiatique ou politique mais sur celui très feutré des élites oligarchiques. C’est dans l’alcôve des banques, derrière le velours des cabinets ministériels et dans les écuries des directions des firmes mondialisées qu’ils ont bâti leur profil, leur considération technique. C’est là qu’ils ont fait preuve de leur compétence, de leur sériosité. C’est là que l’on a reconnu leur fermeté, leur puissance, leur efficacité. C’est là enfin qu’est née leur austérité consciencieuse, que s’est forgée cette impassibilité froide, sans aspérités. Ils sont une corporation pas un parti. Ils font les choses avec sérieux et professent la pédagogie, cette autorité de classe. Et ça ne plaisante pas, aucune autodérision, pas le temps. Et surtout pas besoin, ils sont sûrs d’eux. Pas d’état d’âme, pas d’âme non plus. Ils ont de l’aplomb, de la morgue pourrait-on dire parce qu’ils ont la certitude d’être faits pour diriger, pour régner. Et gare aux velléités pourtant peu nombreuses de moquerie, la loi sur les fake news sonne comme un avertissement, bientôt le rire sera vraiment fasciste. Dois-je rappeler que les jeunes trentenaires qui constituent la garde rapprochée du président de la République à l’Elysée sont surnommés les Talibans ? On a connu plus comique. Ainsi va le Système, implacable et désincarné. Ainsi vont ses servants, sérieux et transparents. Même pas drôles en effet. Bonne semaine.

 

 

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