Paris Vox – Dorénavant, Paris Vox publiera régulièrement la retranscription écrite de la chronique de commentaire d’actualité d’Arnaud de Robert diffusée dans la Matinale de Radio Libertés. Aujourd’hui, notre chroniqueur revient sur les pains au chocolat à 15 centimes de Jean-François Copé.
Il est de bon ton depuis quarante-huit heures de se gausser de la bourde de Jean-François Copé sur le prix du pain au chocolat. Pour ceux qui n’auraient pas suivi, Jean-François Copé, invité d’Europe 1 lundi matin et questionné sur le prix d’un pain au chocolat a répondu qu’il coûtait environ quinze centimes. Grosse bourde, beau plantage. Mais attendez un peu avant de rire. Sauriez-vous, vous me dire combien coûte une coupe de champagne au bar du Ritz ? Non, moi non plus mais il y a de fortes chances pour que Copé lui le sache.
Sauriez-vous, vous me dire combien coûte une coupe de champagne au bar du Ritz ?
Si je formule à dessein cette boutade en forme de miroir, c’est qu’il est bien évident à mes yeux que l’important dans cette affaire n’est surement pas de savoir si Copé connait ou non le prix d’un pain au chocolat. Non, l’important voyez-vous c’est que l’on ait pu lui poser la question. Car ce qui démontre que quelque chose a fondamentalement changé – et pas en bien hélas – c’est qu’une question aussi accessoire que celle-ci puisse être posée et que tout le monde, médias et opinion populaire s’empare de la réponse et s’en gargarise. On peut penser ce que l’on veut du Général De Gaulle, de François Mitterrand ou de Jean-Marie Le Pen, mais il parait naturellement inconcevable qu’un journaliste ait pu imaginer une seule seconde poser une telle question à ces personnages.
Ce qui a rendu possible cette question c’est l’horizontalisation de la classe politique.
Ce qui a rendu possible cette question c’est l’horizontalisation de la classe politique. A force de déboutonner les cravates, de se faire prendre en photo en train de piquer une tête dans la méditerranée, de tout faire pour être normal et humain, la classe politique est devenue plate, vulgaire, insipide. Mais ne nous y trompons pas, cela ne la rend pas plus accessible, plus proche du peuple. Ce n’est pas le but d’ailleurs. L’objectif de toute cette manœuvre c’est d’être aimé, de chercher à créer des fans, comme les stars du cinéma ou de la télé-réalité. Il faut coller aux modèles dominants d’adhésion. Pour cela l’oligarchie politique est prête à mettre le paquet. C’est une question de survie en fait pour eux. Et pour cela aussi, il faut frapper grands coups de normalité sur la verticalité des fonctions politiques. En témoigne la campagne de François Hollande sur une présidence normale dont on a vu les effets dévastateurs sur la fonction suprême.
Car lorsqu’une élite ne s’extrait plus du peuple par le mérite, lorsqu’elle n’est plus formée par les vertus et mue par le désir de servir ; bref lorsqu’elle devient le bras institutionnel de l’oligarchie financière, il lui faut épouser la forme des sociétés de consommation pour plaire. Il ne s’agit plus donc de diriger mais de gérer. Gérer les outils de coercition, gérer l’appareil de production et surtout assurer le maintien du flux de consommation au mieux des intérêts de la classe dirigeante. L’objectif n’est donc plus de tirer un pays vers le haut, mais bien d’assurer par tous les moyens que les masses remplissent leur devoir consommatoire. Par tous les moyens c’est-à-dire y compris par la mise en spectacle de la vie politique, par sa « peopolisation » à outrance, quitte à détruire la spécificité du champ politique, à le vider.
Vie privée étalée au grand jour, affaires de mœurs en place publique, coming out, questions incongrues ou saugrenues, scandales en chaine …
Alors souvent le spectacle n’est pas beau. Et pour ceux qui le jouent ce n’est pas sans conséquences. Vie privée étalée au grand jour, affaires de mœurs en place publique, coming out, questions incongrues ou saugrenues, scandales en chaine … C’est le prix à payer pour le maintien d’une paix consommatoire, d’un grand coma libéral. Peut-on les en blâmer ? Non. Car les hommes politiques actuels ne sont que le reflet de ceux qui les élisent. A société vulgaire, classe politique vulgaire. A société ignorante, classe politique ignare. On pourrait continuer ainsi longuement à jouer du miroir. Il est un fait établi que le monde politique nous renvoie une image à peine déformée, à peine forcée de l’état de notre société. On a beau vitupérer contre ces politiciens véreux, ils sont le décalque de de nos plus bas instincts. Ils sont ce que nous pouvons devenir de pire. Face à cela, il reste la volonté souveraine du peuple dont nous sommes tous les détenteurs. Celle de dire et de faire savoir que de ce monde et de ces hommes nous ne voulons pas, nous ne voulons plus. L’avenir est entre nos mains. Bonne journée.